Vote électronique

Intervention de Jean-Sébastien GUITTON lors du CM du 28 septembre 2015

JSGuittonAout2014En résumé : nous nous étonnons que la majorité municipale refuse d’examiner sérieusement les avertissements de la communauté scientifique concernant la fiabilité des ordinateurs de vote. Nous demandons à nouveau qu’un groupe de travail réunissant des élus de la majorité et de la minorité puisse examiner sereinement et sérieusement le rapport sénatorial de 2014 qui fait un bilan de cette modalité de vote. Nous répondons point par point aux objections de la majorité.

Je dois vous dire que je suis un peu stupéfait de l’exposé de cette délibération.
Vous faites allusion au rapport sénatorial de 2014 dont je vous avais parlé en conseil municipal, il y a un an (cliquez ici).
Cette commission sénatoriale a entendu des fabricants d’ordinateurs de vote, y compris ceux que nous utilisons à Orvault, elle a entendu un adjoint au maire et des agents municipaux de la commune d’Issy-les-Moulineaux, qui utilise les ordinateurs de vote depuis 2008, elle a assisté à une simulation d’opération de vote, et elle a également interrogé plusieurs chercheurs en informatique et en droit public, qui ne sont pas des « scribouillards » contrairement à ce que vous venez d’insinuer.

A l’issue de ces auditions, après avoir examiné les différents aspects du vote électronique, les rapporteurs concluent, je cite, que : « s’il offre quelques bénéfices, incertains ou modestes, le vote par machine présente de lourds défauts préjudiciables à l’intégrité du vote. ». Ils constatent, je cite encore : « une forte défiance de la grande majorité de la communauté scientifique sur la fiabilité de ces matériels. En l’état, rien ne permet de satisfaire à cette condition fondamentale de confiance dans l’utilisation des machines à voter », fin de citation.

Voilà leurs conclusions. Et vous n’en dites pas un mot. Cela ne semble même pas vous interpeler.

La seule chose que vous relevez, c’est que la commune qui a été consultée et visitée par la commission utilise des ordinateurs d’une marque différente de ceux qui sont utilisés à Orvault. Pourtant l’entreprise qui commercialise nos machines a bien été entendue et surtout le rapport montre très bien que ses conclusions ne dépendent absolument pas de la marque de la machine.

Vous dites « nous réalisons de substantielles économies et surtout nous évitons un gigantesque gaspillage de papier ».
Concernant les économies, vous avez reconnu en commission que vous ne les aviez pas chiffrés, et c’est bien dommage. Le ministère de l’intérieur a d’ailleurs indiqué aux rapporteurs qu’aucune étude ne permettait d’affirmer un gain économique. En effet les seules économies envisageables concernent le temps de personnel municipal pendant le dépouillement qui dure beaucoup moins longtemps avec les ordinateurs. Mais comme la programmation et l’entretien des machines nous coûte entre 100 et 150 euros par bureau de vote et par tour de scrutin, on imagine bien que les économies, si elles existent, doivent être assez limitées. Et je ne parle même pas du coût d’achat des machines, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros chacune.

Même le gain écologique d’économie de papier est sérieusement relativisé par les auteurs du rapport qui rappellent qu’un bilan complet impliquerait que l’on prenne aussi en compte le recyclage de ces machines. Et puis, quand bien même elle serait réelle et intéressante, cette économie de papier ne suffit pas à compenser le problème majeur de fiabilité.

Vous dites « oui mais chez nous, aucun incident relatif à la sincérité du scrutin n’a été constaté ». Je ne peux pas faire mieux que de vous lire la réponse du rapporteur à cette question. Je le cite « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu d’incident dans la plupart des communes que l’on n’a pas à se poser la question de la sincérité des opérations électorales. Il n’y pas de contestation parce que les électeurs sont obligés de faire une confiance absolue aux machines. Or des informaticiens nous ont démontré le risque de fraude par introduction d’un logiciel permettant le détournement du vote. Il y a donc un risque persistant, non seulement pour la sincérité du suffrage, mais aussi pour son secret. ».

Je vous invite à regarder la vidéo d’un reportage que nous avons publiée sur le site internet des élus écolocitoyens d’Orvault qui illustre ce risque de fraude. Elle montre que le programme de la machine de vote tient dans une simple puce qui peut facilement être remplacée. Le programme modifié peut alors répondre de façon satisfaisante aux « pseudo tests » réalisés avant le scrutin, mais déformer complètement le résultat du vote. Ainsi, les employés du fabricant de la machine, qui mettent en place la puce, ou les personnes qui peuvent y avoir accès à un moment ou à un autre sont susceptibles de détourner le vote, sans que personne ne soit en mesure de le vérifier. Est-il raisonnable de devoir faire confiance aveuglément à quelques personnes ? Sans possibilité de contrôle ? Alors que le vote papier permet, lui, à chaque citoyen d’exercer ce rôle de contrôle.

Ajoutons que la plupart des pays qui avaient choisi ce système l’abandonnent maintenant en raison de son manque de fiabilité.

Alors je ne sais pas si certains parmi nous se sentent particulièrement qualifiés dans ce domaine, mais ce que je vois c’est que vous continuez à ne pas vouloir entendre les arguments des experts en informatique en vous réfugiant derrière des avantages qui ne sont pas tous avérés et qui, même s’ils l’étaient, ne suffiraient pas à compenser les inconvénients majeurs.

En fait, le principal avantage de ces machines, c’est de réduire le temps du dépouillement. Et les premiers bénéficiaires, il faut le dire, ce sont nous, les élus, qui sommes contraints à y participer à chaque élection. Mais est ce que cela mérite de fermer les yeux sur les avertissements lancés par les scientifiques ?

Alors je renouvelle la proposition que je vous avais faite l’an dernier : constituons un groupe de travail majorité/minorité pour examiner sérieusement et sereinement ce rapport.

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